Née de l’entrelacs entre perception intime et territoires symboliques, Luma Koklova développe une pratique photographique aux lisières du réel, du rêve et du sacré. S’inscrivant dans une tradition élargie de l’image comme espace de projection et de révélation, son travail interroge la porosité des états de conscience et les frontières mouvantes entre visible et invisible. Photographe expérimentale, l'artiste déploie une œuvre à la croisée des disciplines : entre image, rituel et sciences humaines. 

Rythmée par des approches non-occidentales du monde, sa pratique s’affirme comme un espace de résistance poétique, un laboratoire sensoriel où l’image devient une passerelle entre le réel tangible et les dimensions subtiles de l’expérience. Dans 'une chambre à soi' (2023-2024), elle explore les marges de la conscience à travers des dispositifs où le lit, figure nocturne et paradoxale, devient lieu de métamorphoses et interroge l’état onirique comme territoire de savoir, de connexion et d’émancipation. À travers une esthétique minimaliste mettant en scène des «lits sauvages», l’artiste explore une narration intime, un cheminement initiatique qui devient symbole d’une intimité retrouvée avec le vivant. Avec 'Cosmologies’ (2024-en cours), Luma étend ce travail introspectif à une perspective systémique. S’appuyant sur des références anthropologiques et sur son 'female gaze', elle engage une réflexion sur les récits cosmiques et les systèmes de représentation qui structurent nos manières d’habiter le monde, déconstruit les épistémologies dominantes, réintroduit le sensible et convoque un imaginaire réparateur où se croisent physique et métaphysique, mythe et mémoire. Chaque image devient alors un lieu de surgissement, où dialoguent forces invisibles, subjectivité incarnée et altérités vivantes. Loin de tout exotisme, son travail participe à une reconfiguration des liens entre l’humain, le non-humain, et le cosmos - dans une écoute active des savoirs situés, minorés, ou oubliés. 

À travers un prisme écoféministe et décoloniale, l'artiste interroge et expérimente les techniques et savoirs des sociétés holistiques précapitalistes, et comment cette vision non anthropocentrée, axée sur les liens entretenus avec le monde naturel, est inconciliable avec la destruction des écosystèmes. En sus, elle dénonce  comment la colonisation n’a pas seulement marqué les corps et les territoires, mais aussi infiltré les épistémès et façonné nos représentations du réel. Dans ce voyage à la recherche de notre pensée sauvage, à l'heure où le sauvage recule face à l'exploitation humaine, Luma questionne notre relation à la terre, au cosmos et suggère que nous ne pourrions changer de manière d'habiter le monde sans transformer en profondeur le regard que nous lui portons.